#15 Michael Schumacher, 2010 et le sous-virage : Ferrari 1996/Mercedes 2010, même combat… (3/3)

Troisième et dernière partie. Ferrari en 1996, Mercedes en 2010, on fera un parallèle de l’évolution de ces deux équipes à près de quinze ans d’intervalle. Et je tenterai de me projeter un peu dans l’avenir…

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Dès fin 1995, on l’a vu, Ferrari a eu une idée précise de la direction à emprunter. Et l’a empruntée. La F310 (3 litres de cylindrée et 10 cylindres) étant mal née, la Scuderia s’est attachée dans un premier temps à corriger un défaut fondamental : les vibrations plus importantes que prévu du nouveau V10 faisaient éclater le carter de boîte, et conduisaient la machine à tressauter, ce qui poussa la Scuderia a reprendre le train arrière de la 412 T2 de l’année précédente après Melbourne, et jusqu’au retour en Europe. Une fois le problème résolu, l’équipe s’est attachée  aux autres chantiers, dont la correction de l’équilibre aérodynamique (les pontons présentaient en outre le double inconvénient de sous-alimenter en air le moteur, tout en générant trop de traînée). Une des évolutions clés ? Le passage à un nez relevé, avec pour but avoué de… générer davantage d’appui sur le train avant. On y revient… En coulisses, la Scuderia débaucha deux membres clés de Benetton Formula : le devenu archi célèbre Ross Brawn (directeur technique) et Rory Byrne (designer). Deux ingrédients majeurs de la mayonnaise qui avait fait des miracles en 1994 et surtout 1995, et surtout s’accomoderaient à merveille avec le plat de résistance Schumacher. Fin 1996, à la fin de sa première saison chez Ferrari, Schumacher avait quand même remporté trois courses, une troisième place finale au championnat et surtout obtenu l’adhésion totale de son équipe. Mais il faudrait attendre encore trois saisons pleines, deux titres de Vice-Champion du Monde et une double fracture tibia-péroné, pour le voir décrocher son troisième titre mondial…

La signature de Michael Schumacher chez Mercedes pour 2010, 2011, et 2012 a été relativement tardive, fin décembre 2009. A ce stade, le développement de la W01 censée disputée la saison 2010 était largement avancé, et ses contours – définis autour du pilotage de Jenson Button, apôtre revendiqué du sous-virage – largement finalisés. Avant même ses premiers tours de roues, Brawn, Schumacher et Mercedes se doutaient qu’ils risquaient d’avoir affaire à une machine pas vraiment formaté pour le pilote allemand. Un postulat de base amplifié par des Bridgestone arrières prépondérants sur l’équilibre général. Ainsi, une grosse évolution fut programmée pour le Grand Prix d’Espagne : un empattement allongé, de nature… à répartir le poids de la machine davantage vers le train avant, une nouvelle fois. A le rendre plus directif. La mesure n’eut qu’un succès mitigé. Les deux pilotes furent satisfaits (surtout Schumacher même si Rosberg s’y adapta rapidement) mais l’écart avec Red Bull, McLaren et Ferrari resta constant, voire à la hausse. Après cet épisode, l’équipe changea son fusil d’épaule, et tenta de se mettre à niveau dans les deux domaines d’innovation qui ont régné sur la saison 2010 : le F-duct, et le diffuseur soufflé. De quoi maintenir un niveau de performance correct en tant que quatrième force du plateau (en outre, on a aussi vu une nouvelle prise d’air moteur, très particulière), pour mieux se concentrer sur la saison 2011. Les problèmes rencontrés par l’équipe a cette occasion (un F-duct plus difficile que prévu à mettre au point et une diffuseur soufflé occasionnant d’importantes surchauffes dans le train arrière) ont finalement convaincu l’équipe de se consacrer à 2011 au 3/4 de la  saison.

Ce qu’on peut attendre de la saison prochaine ? On peut légitimement penser que les doléances de Schumacher seront alors prises en compte, d’autant qu’elles sont partagées par le très rapide Nico Rosberg. Quid de l’équipe ? Schumacher parait encore avoir la main (via Brawn et Haug), sans pour autant avoir conforté sa position dans une équipe à dominance anglaise (appelons un chat un chat…). On a même vu en début de saison une ou deux conversations assez vives avec Andy Shovlin, son ingé course (remplacé depuis par Mark Slade, ancien ingé piste de Mika Häkkinen). Et pour cause, la légitimité s’acquiert avec les résultats. Une neuvième place finale au championnat est un peu courte, malgré quelques éclairs sur des circuits qui comptent (Barcelone, Monaco, Istanbul, Spa, Suzuka…). Bref, comme Ferrari en 1996, Mercedes a tenté de corriger le tir, sans mettre pour autant tous ses oeufs dans le même panier au détriment de la performance immédiate. Car la présence d’un grand constructeur comme Mercedes en F1 à un prix : celui des résultats. Et dans un chantier à moyen terme comme celui-ci, c’est un problème dans la mesure ou sacrifier une saison est impossible.

Beaucoup de questions en suspens : l’âge, des moyens moindres que chez Ferrari, très peu d’essais privés, moins de temps également (il n’aura que trois ans quoiqu’il arrive), un règlement peut-être moins favorable à son pilotage (rien ne dit que l’équilibre des machines porté vers l’arrière se soit pas structurel…), et une position moins confortable dans l’équipe… Ca fait beaucoup. Probablement trop. Le facteur a priori favorable Pirelli ? Très relatif : Bridgestone en était arrivé à ce produit en prenant en compte l’introduction du KERS, qui nécéssitait des pneus arrières très « forts » pour encaisser les chevaux supplémentaires. Or, en 2011, le KERS sera de retour… L’équation a beaucoup d’inconnues, mais je suis prêt à parier que ce sera trop court. Trop court pour un nouveau titre à coup sûr, et très difficile pour goûter à nouveau à la plus haute marche du podium. Mais qui sait, il suffirait d’une course ou ça veut ou d’une voiture rapide… Rendez-vous à Bahrein !

Le dernier mot sera aussi pour Barnard : « A la façon dont Schumacher s’éprenait d’une voiture, la tendance était à réaliser une monoplace pour lui, avec l’équilibre et l’aérodynamique qu’il souhaitait. J’ai déjà parlé de sa prédilection pour la boîte à sept rapports. En fait, avant de vous en rendre compte, vous pouviez vous retrouver avec une voiture entièrement dédiée à Schumacher. C’était parfait si vous aviez Schumacher. Mais si Schumacher partait, vous étiez sans ressources. » Mercedes a t-elle vraiment envie de se jeter à corps perdu dans cette voie avec comme fer de lance un septuple Champion du Monde, certes, mais de 42 ans ? L’histoire Mercedes-Schumacher est belle, mais les retrouvailles sont tardives… Peut-être qu’un coup de fil, au soir de septembre 2006, à Monza…

Sources

BBC, Autosport, Youtube, Christopher Hilton (« Michael Schumacher : The Ferrari Years » ; « Michael Schumacher : Defending the crown »), Drapeau à Damier (Grand Prix du Portugal 1995) sans oublier ce que j’ai pu ingurgiter de partout ailleurs…

4 réflexions sur “#15 Michael Schumacher, 2010 et le sous-virage : Ferrari 1996/Mercedes 2010, même combat… (3/3)

  1. Assumant que Rosberg a un style de pilotage plus près de Button que de Schumacher et sachant que ce dernier semblait avoir en partie résolu les problèmes d’adaptation qu’il a eu avec la W01 lors des 4 ou 5 derniers GPs, il semblerait que Nico essaye de se convaincre qu’il pourra continuer a s’imposer à son ainé en 2011, sachant que la W02 à de grandes chances d’avoir une conception plus proche du « style Michael » comme dirait Barnard… et dans ce cas là ce ne serait pas si évident pour lui de prendre l’ascendant sur le septuple.
    Je crois aussi qu’il avait son destin en main l’année passée mais que n’ayant pu concrétiser avec une victoire cela la privé d’un élément de négotiation avec Brawn et Haug quand au spécificités de développement de la W02…

    Nous verrons peut-être dès Lundi si mes cogitations s’avèrent correctes ou non. 🙂

  2. Faut pas prendre ses désirs pour des réalités, moi je mets du fric sur Ferrari CdM des constructeurs comme ca je vous paierai un verre en novembre 😉

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